Poésies en Folies

poésies, écrits, pensées, exercice libératoire, partage universel

C'est en XXIII que tout a commencé, Une première sacro-sainte année, Un très long toboggan dans lequel je me suis laissé glisser. Il n'avait de cesse de tourner, et moi, je n'ai pas su freiner.

Dans une spirale, je me suis enfermé, Pas de sable ou de tapis pour me réceptionner. C'est en XXIV qu'en psychiatrie je vais être ramassé, À la petite cuillère, comme il est d'usage de le souligner. Tel un puzzle usagé, un baril de Lego désordonné, Une poupée dans une crèche, privée d’un membre, d’un œil, de sa dignité.

Depuis ma chute, j'ai passé un temps fou à tout raconter, Comme un disque rayé, je revis une G.A.V. : Répéter inlassablement comment tout a vrillé, Les faits, les dates... Tout finit par se mélanger. C'est parfois à se demander si je n'ai pas tout imaginé.

Je suis un foutu polytraumatisé. Le genre de gars qui n'a pas encore tout résolu, Ni sa mélancolie, ni son instabilité, Le genre de gars plein d'aigreur, qui a encore du mal à digérer son vécu.

XXV sera peut-être l'année où tout va se résoudre, Je n'aurai plus besoin d'en découdre, Je n'aurai plus de grain à moudre, Je n'en aurai plus rien à foutre.

L'année où l'apaisement va me recouvrir, Tel une couverture de survie, pour que mon esprit ait moins à souffrir. A force de médiquer, mes synapses vont s'ouvrir, De la vie à nouveau, j'espère jouir.

La fin de l'année arrive, si j'en fais le bilan, il est positif quoi que j'en dise. Je prend assez de médicaments, pour être forcé d'arrêter la tise, Le vin et la bière 0,0 c'est tellement crasse, c'est tellement fade, c'est tellement lisse, Que les fêtes sont garanties sans bêtises.

Je reste encore hors de contrôle, je ne suis pas la sagesse incarnée, Mais d'après ceux qui surveillent ma geôle, ma geôle dorée, C'est une question de temps — un temps que je vais compter. Des Alpes, je suis passé aux Monts d'Arée : La courbe de mon humeur continue d'onduler, Mais ses oscillations sont plus lissées, Finis les sommets pointus sur lesquels le vent peut hurler.

Je suis atteint par un trouble de l'humeur, Je commence à l'accepter, la clef du bonheur ?

Je ne sais pas quand tout a commencé. Est-ce depuis toujours ? Est-ce après que j'ai été hospitalisé ? Je ne sais pas ce qui a tout déclenché, Je n'en ai clairement aucune idée.

Je me souviens d’une personne colérique, Totalement hystérique, Un bâton de dynamite, Une mèche trop courte pour se mettre à l'abri. Une propension naturelle au conflit, Elle était comme ça avec nous trois : Mon père, ma sœur et moi. Ma sœur, mon père et moi.

Quand elle s’emportait, si on la contredisait, Elle pouvait l'insulter et nous humilier. Je n'ai pas de souvenirs de tendresse ou d'amour. Rayon câlins, tu repasseras ton tour, Comme si elle était émotionnellement inadaptée. À la mort de son père, elle n'a même pas pleuré. À l’assemblée des émotions, je siégerai toujours à l'exact opposé.

En vacances, elle pouvait tout flinguer. D'un coup d'un seul, de la voiture elle se barrait. Mon père sur la jetée, essayant de la rattraper, Ma sœur et moi, à l'arrière, désemparés.

Elle pétait des plombs, aucune gestion des émotions, Et ses coups partaient dans toutes les directions. Les bras levés pour les parer, Plus on esquivait, plus elle s'énervait.

Les devoirs du soir la galvanisaient : Valait mieux ne pas se tromper. Des fois, dans sa chambre, elle s'enfermait, Tapait des crises, ne parlait plus. Pour nous, c'était juste un truc de plus.

De la cuisine, elle fermait la porte. Quelle mère agit de la sorte ? Pendant une semaine, elle pouvait nous ignorer. Pas un mot, pas un regard, ton existence même, reniée. Comment veux-tu pouvoir l'aimer ?

Une attitude dure à décrire. Pour moi, des mères, c'était la pire. Je ne sais quelles émotions la traversaient dans ces moments-là, On n'en a pas discuté, et je doute fort qu'on le fera.

Toujours négative, elle ne change pas. Fille d'agriculteurs, elle était. Prolétaire, elle est désormais. Cela n'a pas évolué comme elle le fantasmait. Peut-être qu'elle en souffrait, mais était-ce une raison de nous le faire payer ?

Peut-être aussi que de me voir malade la culpabilisait. Tu n'as jamais su l'exprimer, tout ce que tu as fait, c'est souligner : “J'aurais préféré que tu ne sois pas né.”

C'est comme si tu me rejetais, comme si toute mon existence devait être effacée. Blessante à souhait, une vraie lame effilée. Pourquoi n'as-tu jamais dit : “J'aurais préféré que tu sois né en bonne santé” ? Tout ça était d'une telle violence, Une véritable négation de mon existence.

Une fois, en voiture, tu m'as roulé sur les pieds. Je me suis demandé si tu ne l'avais pas fait exprès.

C'est horrible, mais je n'ai pas réussi à t'aimer. La coupure du pont, il y a quelques années, Ça fait un bien fou de t'avoir rayée. Cette guerre de tranchées n'est pas prête de s'arrêter. Seule la mort d'un des deux sonnera la paix.

J'ai fait aussi beaucoup d'erreurs. Mais j'ai entrepris un long chemin pour leur bonheur. Les miens méritent de ne pas vivre dans la peur. J'ai 40 ans. Je n'ai jamais oublié ce que tu as fait. Je suis incapable de te pardonner. Je suis malade, mais je me fais soigner, Alors que toi, tu continues de t’aveugler. Être malade, c'est une chose, et je peux l'accepter. Là où je suis en colère, C'est que tu n'as rien fait pour te faire aider.

Innocent, La douleur que je ressens, Et que personne ne comprend, Est bien là, ce n'est pas du vent.

On me soupçonne de simuler, Quel médecin censé peut, d'un gosse de 8 ans douter ? Où est ta déontologie, espèce de connard ? Oui, toi l'ignorant, incapable de savoir.

Tu te réfugies derrière des explications foireuses, Programmes tests et examens au justifications douteuses, Dire que tu exerces encore ! À combien de patients as-tu réservé le même sort ?

Ton égo t'empêche de m'adresser à tes confrères, Pourtant eux, moins fiers, Vont trouver. J'ai une maladie articulaire, complexe à soigner, Croyez-moi, j'ai souffert, A un niveau qui échappe à votre imaginaire. Un halo fixé dans mon crâne, cicatrices impossible à défaire. Chaque fois que je me vois dans un miroir, Je me souviens : c'est obligatoire. Toute ma vie, des stigmates sur le front, Traces indélébiles sur lesquelles, on me pose parfois des questions.

Après avoir placé des mots sur mes maux, Je vais devoir passer des mois à l'hosto, Sans personne pour le câlin du dodo. Seul, ma famille loin, je dois affronter ça, bien sage, Des kilomètres à rouler dans mon fauteuil solo, tel un lion en cage.

Souvent je pleure, je me sens puni. Je voudrais en vouloir à quelqu'un, mais qui ? A un moment, j'ai maudit la Vierge Marie. Cette putain de maladie, fait partie intégrante de ma vie.

Mignon et sympathique, j'ai laissé toute une clique, D'infirmières en formation, me poser des perfusions avec peu de technique. Je ne dis jamais non, je serre les dents. Les bras bleuis des erreurs de ces gens, Pas toujours très doués, mais au moins bienveillants.

Les mois passant, je suis devenu une mascotte, un enfant qui écoute et comprend. Alors on me fait faire le tour des bâtiments. Mais je suis trop jeune pour voir tout ça ; cela me met l'esprit en berne : Amputés, grands brûlés, service orthopédique et ses fixateurs externes, Camarade leucémique décédée. Sous un drap, un matin, je la voit s'en aller.

Père de famille qui frappe sa femme, Mère à la belle âme. Douce, aimante avec ses enfants, Je n'oublie pas ses cris glaçants, Ni son visage en sang. Le personnel qui essaie d'éloigner cet enfoiré... Je lui souhaite encore de crever.

De temps en temps j'ai des camarades de chambre plus âgés, Chambre double pour soi-disant, m'occuper. Un ado de 17 ans va en profiter. Á l'abris des regards du personnel de nuit, films d'horreur et pornos diffusés. Tout cela va, dans ma rétine s'imprimer.

Trop jeune, l'hôpital ne m'a rien épargné.

Puis un soir, on va me laisser dans le lit en face, un sujet psychotique. En pleine nuit, il fait une crise : totalement chaotique. Attaché à mon lit pour des questions thérapeutiques, Je n'ai aucune possibilité de fuite.

Alors j'ai peur. J'essaie d'appeler le personnel, urgence d'insister. Le temps est long avant qu'elles soient alertées. Il est fortement sédaté pour le calmer, puis c'est le moment de nous séparer.

Comment veux-tu sortir sans séquelles de ce merdier ? Comment veux-tu t'en remettre quand, en partant, aucune aide ne t'est proposée ? Le pavillon Sainte-Louise du CHU Purpan a depuis été rasé. Je n'arrive pas à l'oublier, même s'il a cessé d'exister. Il m'arrive encore d'en chialer.

Le socle de ma pathologie psychique était posé ! La suite rajoutera une couche pour m'achever. On dit souvent qu'il n'y a pas de fumée sans feu. Si j'en suis là aujourd'hui, c'est en partie à cause d'eux.

Ces traumatismes toujours pas évacués, Cette tristesse qui ne m'a jamais quitté, Cette enfance qui m'a été volée.

Dans un prochain texte, vous comprendrez, quel coup de grâce m'a été donné. Ce coup de grâce qui fera de moi un inadapté.

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