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Je descends de la voiture, leur dis au revoir, les yeux plissés. J'arrive un soir dans l'obscurité, sac de sport sur l'épaule jeté, L'éclairage faiblard peine à me guider.
Deux jeunes fumeuses, abritées sous le auvent, semblent s'interroger : Que viens faire un quadragénaire dans cette unité ? Réservée habituellement aux ados et adultes primo-déclarés, Je suis paumé, un enfant effrayé.
Je ne l'ai pas décidé, la Doc n'a trouvé que ce lit non occupé. Me voilà dans un service spécialisé — pas de dessin à vous faire, vous avez compris de quoi il retournait. L'accueil est chaleureux, mais intrusif, Contre tout risque de suicide, on fouille, on écarte tout ce qui tranche dans le vif.
Pas de télé dans les chambres, pas plus que de flexibles de douche. Isolés du monde : pas de risque de faire un geste qui nous touche. Les repas sont pris tous ensemble, mais ils sont silencieux, Que croyez vous que se disent des malades entre eux ? Des gens qui sont tout, sauf heureux.
Chacun fait sa vie sans l'autre, sans animosité, La souffrance est palpable, presque tangible. Cela m'est impossible, Mais j'aimerai les aider. De 15 ans à, qui sait, bien trop jeunes en tout cas, Leur vie suspendue, ils n'ont rien fait de mal, ça se voit. Juste nés au mauvais endroit, l'amour parental ne va pas toujours de soit.
Trois fois par jours, nous faisons la queue, Au bureau infirmier, tels des animaux d'élevage, Nous attendons nos comprimés précieux. Il faut en prendre beaucoup pour rester sage.
Au fil des jours, quelques discussions, Parfois même, quelques sourires naîtront. Par leurs histoires, profondément ils me toucheront, A relativiser, ils m'aideront.
La plus jeune d'entre nous termine son séjour, il est temps de partir, Elle retourne en foyer, j'espère qu'elle va s'en sortir. Les autres ? Je ne les verrai partir que furtivement, A travers des fenêtres qu'on peut à peine ouvrir, Pour nous empêcher de mourir. Ainsi va la vie ici : rien de bien marrant.
C'est enfin mon tour de rentrer chez moi. Mon sac à mes pieds, dans l'espace commun, je n'attends que ça.
Mais une angoisse cerne mon esprit : Vais-je tenir loin d'ici ? Une fois l'équipe médicale hors d'atteinte, Vais-je poursuivre mon astreinte ? Ou tout stopper. Je vais d'ailleurs le faire. Essayer. Prolonger ma descente jusqu'à réaliser. Que je ne peux pas y échapper.
J'espère que mes camarades, aventuriers de la psychiatrie vont bien, J'espère que d'eux s'est éloigné le chagrin. Je ne vous oublierai pas, Compagnons d'infortune. J'aimerai vous serrer dans mes bras, Le soir venu je fixe la lune. Peut-être qu'un jour l'on se reverra. Vous serez guéris d'ici là, Je l'espère de tout cœur en tout cas.
Texte écrit en souvenir du CH de Morlaix, UPEC, 2024, Personnel et patients