ABDIAS
Je ne sais pas quand tout a commencé. Est-ce depuis toujours ? Est-ce après que j'ai été hospitalisé ? Je ne sais pas ce qui a tout déclenché, Je n'en ai clairement aucune idée.
Je me souviens d’une personne colérique, Totalement hystérique, Un bâton de dynamite, Une mèche trop courte pour se mettre à l'abri. Une propension naturelle au conflit, Elle était comme ça avec nous trois : Mon père, ma sœur et moi. Ma sœur, mon père et moi.
Quand elle s’emportait, si on la contredisait, Elle pouvait l'insulter et nous humilier. Je n'ai pas de souvenirs de tendresse ou d'amour. Rayon câlins, tu repasseras ton tour, Comme si elle était émotionnellement inadaptée. À la mort de son père, elle n'a même pas pleuré. À l’assemblée des émotions, je siégerai toujours à l'exact opposé.
En vacances, elle pouvait tout flinguer. D'un coup d'un seul, de la voiture elle se barrait. Mon père sur la jetée, essayant de la rattraper, Ma sœur et moi, à l'arrière, désemparés.
Elle pétait des plombs, aucune gestion des émotions, Et ses coups partaient dans toutes les directions. Les bras levés pour les parer, Plus on esquivait, plus elle s'énervait.
Les devoirs du soir la galvanisaient : Valait mieux ne pas se tromper. Des fois, dans sa chambre, elle s'enfermait, Tapait des crises, ne parlait plus. Pour nous, c'était juste un truc de plus.
De la cuisine, elle fermait la porte. Quelle mère agit de la sorte ? Pendant une semaine, elle pouvait nous ignorer. Pas un mot, pas un regard, ton existence même, reniée. Comment veux-tu pouvoir l'aimer ?
Une attitude dure à décrire. Pour moi, des mères, c'était la pire. Je ne sais quelles émotions la traversaient dans ces moments-là, On n'en a pas discuté, et je doute fort qu'on le fera.
Toujours négative, elle ne change pas. Fille d'agriculteurs, elle était. Prolétaire, elle est désormais. Cela n'a pas évolué comme elle le fantasmait. Peut-être qu'elle en souffrait, mais était-ce une raison de nous le faire payer ?
Peut-être aussi que de me voir malade la culpabilisait. Tu n'as jamais su l'exprimer, tout ce que tu as fait, c'est souligner : “J'aurais préféré que tu ne sois pas né.”
C'est comme si tu me rejetais, comme si toute mon existence devait être effacée. Blessante à souhait, une vraie lame effilée. Pourquoi n'as-tu jamais dit : “J'aurais préféré que tu sois né en bonne santé” ? Tout ça était d'une telle violence, Une véritable négation de mon existence.
Une fois, en voiture, tu m'as roulé sur les pieds. Je me suis demandé si tu ne l'avais pas fait exprès.
C'est horrible, mais je n'ai pas réussi à t'aimer. La coupure du pont, il y a quelques années, Ça fait un bien fou de t'avoir rayée. Cette guerre de tranchées n'est pas prête de s'arrêter. Seule la mort d'un des deux sonnera la paix.
J'ai fait aussi beaucoup d'erreurs. Mais j'ai entrepris un long chemin pour leur bonheur. Les miens méritent de ne pas vivre dans la peur. J'ai 40 ans. Je n'ai jamais oublié ce que tu as fait. Je suis incapable de te pardonner. Je suis malade, mais je me fais soigner, Alors que toi, tu continues de t’aveugler. Être malade, c'est une chose, et je peux l'accepter. Là où je suis en colère, C'est que tu n'as rien fait pour te faire aider.