Poésies en Folies

poésie

Il est un de ces jours où tout me revient, Un de ceux où, je me demande si cela aura une fin.

Je m’observe dans le miroir, Et je vois, marqué sur mon corps, le désespoir.

Cette enveloppe bien trop charnue, Je ne la reconnais plus.

Je suis un modèle-type, Un malade psychiatrique.

Je pense aux dégâts que j’ai pu causer, Par mon comportement incontrôlé. Je n’oserai jamais revoir les gens de mon passé.

Il est un de ces jours chagrins, Un de ces jours – assassin.

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Elle, qui fut si érectile, Elle, qui d’une pensée seulement, s’érigeait hardiment. Un effleurement tactile, Et la voilà impossible à dissimuler prestement. Lubrique, plongeant mes yeux dans les siens, Dur comme l’acier, bien innervé, J’ouvrage sans relâche, jusqu’à l’épuiser. À plusieurs reprises, la voilà qui se répand en longues giclées.

Puis séjour passé en unité, Psychiatrique, psychotropes et assimilés. “Je vous préviens : la libido peut être affectée”. D’un sourire, j’écarte cette possibilité. Moi le priape, rien ne pourra m’arrêter.

Sauf que ce n’est plus de l’acier que j’ai vissé entre mes cuisses, Mais un simple et insignifiant tuyau. Rabougrie, elle plisse, mais jamais ne durcit. Vidéos, images, pensées, vicieux mots, Va-et-vient du poignet, rien ne l’excite. Inerte, rien ne l’agite.

Comme castré, je me résigne, rien n’y fait. Je n’ai, de toute façon, plus d’intérêt. Je suis tout autre : calme, sans pulsions, Sans perversité, non porno addicté, Comme si j’avais basculé en moine émasculé.

Deux ans, bientôt. Que va-t-elle devenir, cette machine à jouir ? Dois-je l’enterrer comme tous mes rêves de normalité ? Seulement la glisser chaque matin dans son emballage textile, La sortir uniquement pour pisser ? Après tout, c’est le premier usage que j’en ai fait. C’est un retour aux sources, comme qui dirait.

Un sexe d’enfant greffé sur un corps d’adulte, Lui-même contenant un cerveau malade. Faut-il l'amputer ou même la brûler ? Inutile : sans vie sexuelle, mon orgueil blessé.

Le trouble psychique ne se cantonne pas à votre boîte crânienne : Votre corps peut être impacté. Le constat est sec, net, sans éclaboussure : Je ne sais plus bander.

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En janvier, je vais fêter Deux années. Deux années... C’est dur à réaliser.

Deux années, deux années, À sans cesse, sur mes joues, laisser des larmes couler, À vouloir, viscéralement, me supprimer, À être, pour mon salut, hospitalisé, À tout, tout raconter à des gens, que je ne sais même pas nommer.

Deux années, deux années, À me gaver de comprimés, À tout, tout analyser : les faits, les gestes, les pensées, À chercher cette putain de clef, censée me libérer, À finir, bouleversé, par la trouver.

Deux années, deux années, À aller mieux, même si parfois, c’est compliqué, À me réanimer, à m’activer jusqu’à l’épuisement — mon Dieu, quel bien ça fait ! À m’apaiser, à me calmer, à me reposer, À m’émerveiller, à être touché, à rigoler, à aimer.

Deux années, deux années, À vivre avec ma bipolarité, à m’accepter, À en faire une simple singularité, À en parler sans ambiguïté, À la famille, aux connaissances, aux amitiés.

Deux années, deux années, Qu’est-ce que c’est ? Une anecdote passée, Quand le bilan de ma vie entière sera fait.

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Je fus longtemps un être normal Du moins je l'ai cru. Alors, comme un être normal, j'ai jugé, L'esprit plein de préjugés. Ceux qui étaient différents, les gueules cassées, Les handicapés mentaux, les esprits tourmentés. Je n'y ai jamais vu un problème, Me sentant supérieur devant ces visages blêmes. Ils ont toujours été, entre proches, entre amis, Le sujet de moqueries. À la télévision aussi, tout le monde se gausse, On nous a mal éduqués, méchants et féroces.

Les années passent, je ne vois pas pourquoi on changerait quoi que ce soit. Puis voilà : hospitalisé en unité psychiatrique, Je fais partie du groupe, c'est un bon coup de trique. Ils sont là tout autour de moi, le choc est violent. On se demande ce qu'on fait là, Puis on comprend pourquoi. On pleure, touché par leur parcours et leur empathie en retour.

Elle a 15 ans, déjà plus de parents, Elle se mutile, Dans quelques années elle pourrait être ma fille, À moi elle se confie, Sa vie n'est qu'une succession d'événements violents, Je réalise qu'il n'y a pas de hiérarchie, Chacun porte sa part de trouble, c'est ainsi. Un grain de folie, eux comme moi — c’est notre lot à tous, c'est la vie.

Nous pouvons tous être porteurs, petits et grands. Je ne suis pas meilleur, pas même intelligent. J'ai vécu comme un insensible, arrogant. La maladie mentale est pour moi, toujours devant. Mais je ne suis pas seul, nous sommes des milliers.

Et jamais plus je ne vous jugerai. Qui suis-je pour le faire ? Je dois désormais éduquer, Sensibiliser et expliquer. Pour que mes enfants soient bienveillants et grandissent dans le respect.

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Un an et demi, Une longue durée pour beaucoup, Une simple enjambée dans ma vie. L'impression d'être fou, Puis de trouver un nouveau goût à la vie. Je n’y ai pas mis les pieds du tout, Dans mon jardin de Californie.

Un paysage étrange, au pays du biniou, Des plantes qu’il faut protéger des intempéries, Envahies de mauvaises herbes, leurs contours sont flous. Et nous voilà à genoux, à arracher le chienlit, À se débarrasser d’un tas de plantes qui gâchent tout. Un travail pénible, qui semble infini…

Mais bientôt viendra le plaisir de marcher à pas doux, Dans les allées, des plantes venues des États-Unis, Du Mexique, des déserts aux charmes fous. Les mains dans le dos, je hume avec envie : La floraison des cactus m’a toujours surpris.

Je me demande : comment améliorer, embellir, remanier tout ? Je me projette, je calcule, fais des plans, je réfléchis, Pour me rapprocher de l’image de mon paradis. C’est le travail d’une vie — j’ai bien fait de lui donner un sursis.

Un an et demi après, j’ai renoncé à mourir. Je préfère continuer à me nourrir, De tous ces illustres jardiniers, qui continuent de m’inspirer. Leurs jardins remarquables, c’est avec mes enfants que je les partage. J’espère que la passion se perpétuera en avançant dans leur âge.

J’ai désormais envie de transmettre. J’ai cessé de vouloir disparaître.

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Fractionné, De l'eau à coulé, Les rancœurs qu’on tente d’enterrer, Même s’il est impossible d’oublier. Pansements sur mes plaies, Il est temps d’avancer.

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En boucle, j’écoute de vieux artistes, Créant de nouveaux sons, évoquant de vieilles pistes. Je pense… donc je suis triste. Planté au milieu d’un carrefour, je murmure des vœux aveugles, Sous mon crâne, mes pensées beuglent, Perdu comme un pingouin lâché dans le désert, Je cherche la boussole qui guidait nos pères.

Trouver un nouveau job… comment faire ? Le timing est mauvais, l’issue encombrée. Dans La Misère du Monde, j’aurais pu témoigner ; Pierre Bourdieu aurait sûrement apprécié. Tout quitter : est-ce vraiment une bonne idée ? Repartir à zéro, réapprendre n’est pas sans risque. Des factures à payer, j’en ai toute une liste.

Reste un tas de questions sans réponse : Qui je deviens si je fais silence ? Où je vais si je prends distance ? Le geste se répète, et dans mes oreilles s’enfoncent Des sons d’aujourd’hui qui résonnent comme hier… J’espère, un jour, stopper cet air.

Je les vois, et désormais je suis eux. Je les regarde, et je sais que L’absurdité est censée dans des cerveaux bien constitués. Ces voix que vous entendez, qui m’étaient étrangères, Désormais appréhendées, me sont devenues familières. Qu’elles vous soient douces, et non qu’elles vous poussent À déraper, vous privant de votre liberté.

Baignant dans un mal congénital que rien ne peut effacer, Tournent autour de moi, non plus des gens à enfermer, Mais de beaux êtres singuliers — Qu’ils soient Jésus ou un peintre très connu. Sur l’Adamant, elle le sait : elle sera guérie. Les yeux grands ouverts, derrière ses lunettes, elle a raison d’y croire. Les écouter tous, libère nos esprits des idées noires. Pour ma part, je vais avancer au doigt mouillé, Comme le chante MC, si je peux le plagier. Le doigt mouillé… mais les yeux enfin secs. Et l’idée d’un cap revient, timide, dans ma tête.

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Je regarde mes mains, composées de doigts fins. Mes ongles poussent plus vite qu'avant, Où bien est-ce le temps qui s'écoule différemment ? Je me néglige, ne sais jamais où ni quand. Une loque, crasse, mes souvenirs s'effacent. Je ne vais pas bien; mon corps, de guerre lasse, Reste alité sans fin. On vient me visiter, comme si déjà mon lit de mort me portait. On s'assoit à mes côtés, Me tenant la main, où mes doigts fins, Se terminent par de longs ongles qu'on croirait manucurés, Ces ongles que je n'ai même pas vu pousser.

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Donner de la confiture aux cochons ! Ma nature n’est pas compréhensible par les cons. Quand j’en parle, certains ont les yeux ronds. Cela fait plus d’un an que je me triture, Je ne sais plus si je vais mieux… ou moins bien. C’est souvent une torture, De ne pas savoir de quoi sera fait demain.

Je suis malheureux, c’est un fait. Je pense très souvent à comment tout achever. Ne voyant pas d’issue favorable, Dois-je abandonner trois âmes formidables ? Pour qu’elles avancent enfin ? Pour qu'elles se libèrent d'un frein ? Et que disparaisse un homme sans destin ?

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Voilà le qualificatif que l’on m’a attribué, Et cet adjectif a été prononcé par ma parenté. Dans l’échange, tout était mélangé : Les faits et les années.

Je n’étais pas bipolaire à huit ans. Faut-il être à ce point bête ou d’esprit lent, Pour confondre l’arrêt anecdotique de l’activité d’un enfant, Par désintérêt du dit passe temps, Je m’ennuie, je change… en quoi serais-je différent de millions de gens ?

Depuis que j’ai voulu nommer les choses, On se trouve soudain des dons en psychose, Et l’on raccroche tout et n’importe quoi, À ma pathologie, sans s’assurer de la justesse de tout cela. Ma bipolarité expliquerait tout : mon caractère, mes émois… Sans la moindre distinction, on y fourre tout. C’est trop pour moi. Je ne veux plus entendre un seul mot, tu vois.

Déception, blessure, rage… Être à ce point dégoûté par son entourage, Quand on attendait du soutien… Je me sens même insulté, compris en rien. J’ai envie de couper définitivement le cordon. De toute ma vie, il ne m’a jamais relié à quoi que ce soit de bon.

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